Le romantisme grenadin
Lieu : Granada
Le ciel est gris, les bourrasques de vent font chuter les marrons des arbres, et la pluie s’invite par intermittence à ce début de journée.
Cet accueil froid me fait quitter prématurément le parc Garcia Lorca, qui sans soleil est bien morne. Est-ce le contre coup de l’ascension
de la veille ou le premier jour d’automne qui donne à cette journée une ambiance plutôt morose ?
C’est aujourd’hui le premier jour sédentaire sans vrai programme. Nul objectif à atteindre sur une carte. Nulle recherche d’un ailleurs
meilleur. Alors il ne me reste plus qu’à trouver le repos dans l’éternel accueil des voyageurs : les églises. Accueil payant mais accueil
quand même, et qui quelque soit la situation dehors offrira toujours le même visage de l’intérieur.
À l’auberge, le camarade letton est parti, remplacé par un israélien qui habite au Portugal et qui fait du contrôle qualité de la modération pour un entreprise française sous-traitante du chinois TikTok. Une auberge espagnole à lui tout seul. La chambre est assez mauvaise, les lits sont bruyants, les toilettes peu fonctionnelles). Mais à 44€ pour 3 nuits difficile d’obtenir mieux. Et cela permet de resserrer les liens entre les personnes qui s’y trouvent, en essayant de trouver des stratégies communes pour palier à ces problèmes structurels. Unis dans la misère, c’est au principe humain qui a toujours cours.
Je retrouve un peu de force à midi avec mes sardines à la tomate et le soleil qui revient. Et j’en profite pour discuter avec l’espagnol de
service à l’auberge à propos des occupations des locaux durant les heures mortes de l’après-midi. Sieste, digestif ou café entre amis ou en
famille, repas et discussions qui s’éternisent, lecture, visionnage de films.
Je sors ensuite par les rues pentues de Grenade. La ville se trouve à 700m d’altitude sur le versant ouest de la Sierra Nevada, qui est
visible dès qu’un bout d’horizon s’ouvre dans les rues. Sa géographie accidentée épouse les courbes des premiers contreforts de la sierra.
Je termine ma réconciliation avec la ville et cette journée en trouvant par hasard un magnifique parc, celui autour de la maison
Carmen de los Mártires. Il est très différent des jardins à l’espagnol vu jusqu’ici, il a un côté plus romantique avec ses petites allées,
ses fontaines, ses nénuphars, son aqueduc, son étang, ses ruines et son petit pont. Il n’en fini pas de révéler des surprises, car
comme le regard est enclos par les haies, il y a sans cesse de nouveaux espaces qui s’ouvrent à nous à mesure que l’on progresse.
Chaque coin reculé permet d’accéder à un autre dont on ne soupçonnait pas l’existence. On ne peut jauger de ses dimensions et tous les
mystères qu’il recèle quand on en franchit les portes. On se perd dans ce dédale, dans ces allées, dans ces terrasses et ces escaliers.
Et on se souvient qu’il existe un mot pour designer le plaisir qu’on a à se trouver là. Flâner.
Je n’irai finalement par boire un verre avec mon compatriote français. Nous vivons tout deux avec des horloges internes biens différentes. Il rentre à 3 ou 4h du matin quand à 21h30 je suis couché, repus de ma journée.
Photos
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Un tort peut-être dans mon attitude : les gens viennent à moi – c’est la coutume, et aussi la curiosité –, je les accueille bien, cela dure un moment et puis une sorte de lassitude se lève, le rideau tombe et je les renvoie. Plutôt, je ne les renvoie pas : ils sont encore autour de ma table et parlent, mais mentalement ils sont congédiés et je me dis : “Encore une fois, ceux-là ne sont pas pour moi.”
Ramasser ce qui est pour moi, et cela seulement. C’est peu mais c’est pour moi. Voilà pourquoi je voyage.