Tout seul
Parcours : Le Marconnès - Langogne (Brugeyrolles)
Distance : 16.4km
(D+ 322m / D- 447m)
L’odeur de la fraîcheur dans les herbes hautes perlées de rosée nous cueille au lever du jour et me marque profondément. Voilà une sensation qui manque à celui qui ne peut pas se promener dans les champs de bon matin. Et combien d’autres encore nous échappent ? En d’autres autres saisons, en d’autres lieux, il est mille perceptions du monde qui nous ne connaîtrons jamais.
Nous retrouvons aujourd’hui le tracé officiel après la coupe effectuée hier. Saint-Paul-de-Tartas sera le dernier village que nous traversons avant de retrouver le chemin de Stevenson, avec son église romane en tout point identique à celle que nous avons vu hier, et son monument aux morts surmonté d’un poilu en uniforme bleu parfaitement coloré et daté de 1914-1919. Puis nous descendons vers Pradelles, petit village remarquable à flanc de colline, et nous y entrons escortés par deux cavaliers qui marchent au pas derrière nous. C’est là un village qui a gardé ses maisons anciennes puisque les plus récentes arborent sur la clé de voûte au-dessus de leur porte une année du XIXe siècle.
Après un nouveau ravitaillement et une nouvelle sélection de fromages de pays au fond du sac, nous continuons notre chemin pour descendre vers Langogne. Le paysage est ici plus dégagé, la pente régulière et douce, ce qui nous permet d’embrasser des yeux tout un horizon, de se projeter vers là où on va, de voir le futur. Et par la-même de s’interroger sur le tracé des chemins qui serpentent la nature, quelles contraintes aujourd’hui disparues les a fait ainsi qu’ils sont encore aujourd’hui. Pourquoi certains sont en terre là où d’autres sont goudronnés, comment passe-t-on de l’un à l’autre, combien de chemins tracés puis effacés échappent à notre perception ? Et puis encore de se questionner sur l’emplacement des constructions humaines, sur pourquoi Langogne se situe ici et non 2 kilomètres plus au nord, quelles particularités notables a fait de ce lieu un endroit où établir une ville ? C’est ainsi que, en plus du futur, nous voyons aussi le passé.
Après la Loire nous franchissons l’Allier pour rentrer dans le Gévaudan. Ils prennent leur source à 45km de distance l’un de l’autre, mais par le jeu du relief ne se rencontrerons finalement que 420km plus loin. Langogne tout comme Pradelles est traversée par une route nationale. Mais alors que Pradelles a gardé tout son charme malgré cela, il me semble que c’est cette même route qui a fait de Langogne une ville de passage, touchée au cœur et saignée par ces camions et ces touristes en camping-cars. C’est un retour à la civilisation, à ses terrasses de café, à ses magasins de chaussures et à ses tourniquets de cartes postales. Mais aussi à sa gare SNCF, et c’est ici que je laisse Tom s’en retourner vers plus de civilisation encore tandis que je repars seul sur les chemins de terre pour suivre RLS, avec quelques 142 ans de retard.
Cela commence par sortir de Langogne en direction de Brugeyrolles et se perdre entre les champs de luzerne d’un vert clinquant. Une fois au gîte, à peine le temps de se rafraîchir que vient le dîner puis le sommeil. La fatigue me tombe dessus dès le dessert englouti, et le sommeil me tend ses bras réconfortants après cette nouvelle journée à porter plus d’une dizaine de kilos sur son dos. Quoi de plus naturel que de vivre au rythme du soleil et de dormir quand il fait noir ?