J6 : la solitude du dauphin
Parcours : Ísafjörður - Hólmavík
Distance : 280 km
Je commence à amorcer la boucle du retour, direction l’est maintenant, en suivant toujours la côte. Je vais traverser pas moins de 9 fjords différents dans la journée. La première surprise du matin ne se fait pas attendre. Je vois une voiture arrêtée sur la route devant moi, et deux personnes qui scrutent les eaux de la mer. J’en viens à regarder moi aussi ce qui peut bien capter ainsi leur attention de manière aussi soutenue : des dauphins ! Ils sont à une trentaine de mètres à peine de la route, et on les entend parfaitement respirer quand ils paraissent hors de l’eau. Il y en au moins 6 ou 7 qui sont venus trouver un brin de calme au fond de ce fjord.
Les voilà qui repartent vers le large.
À suivre les lacets de la route le long de la côte, on augmente nettement les distances. Quand sur la carte à vol d’oiseau il n’y a que 40 kilomètres, la route, elle, en fait 170 ! Mais qu’importe, je ne suis nullement pressé, bien au contraire. Toujours sur l’horizon nord de ce parcours, on aperçoit une région complètement inhabitée. Et encore au nord de celle-ci, se trouve la réserve de Hornstrandir, tout autant inhabitée, mais où mènent plusieurs lignes de bateau pour qui veut aller randonner dans ce coin reculé du pays, à la poursuite des renards arctiques.
Plein nord.
Les lacets s’enchaînent encore, jusqu’à un panneau au bord de la route qui nous indique la présence de phoques ! C’est un coin très prisé par ces animaux visiblement, quelques rochers affleurent ici à la surface de l’eau. Et ils sont bien là, quelques dizaines au moins, à prendre le soleil dans leur position caractéristique, la tête et la queue relevées. Ils font un peu plus d’un mètre, et leur robe va du noir au blanc/gris tacheté. Ils n’ont par ailleurs visiblement pas peur des photographes en herbe qui se massent sur la berge, à quelques dizaines de mètres de là.
Phoques en train de se dorer la pilule au soleil.
Contrairement à la veille où mon auberge de jeunesse avait des allures de dortoir pour réfugiés du régime stalinien, celle d’aujourd’hui est flambant neuve. Le contraste est saisissant, elle est même peut-être trop équipée, chaque lit ayant son petit rideau pour l’intimité et dispose d’une télé individuelle dans ce petit box, avec un compte Netflix en prime. Il n’y a en revanche presque pas de voyageurs, si bien que je me retrouve seul dans un dortoir. Je suppose que les travaux se sont terminés il y a peu et que l’établissement a raté la période du pic des réservations estivales.
Je m’en vais visiter le musée de la sorcellerie, attraction locale du fait des fortes croyances qui étaient en vogue dans cette partie de l’Islande au cours des siècles passés, et qui ont conduit plusieurs personnes au bûcher. Il y est détaillé de nombreuses pratiques qui avaient cours à l’époque, toutes aussi difficiles à comprendre les unes que les autres. Vous en voulez quelques unes ? Il y a par exemple le tilberi, une créature mise au monde à partir d’une côte humaine, nourri au sein d’une femme et qui quand elle sera suffisamment grande ira voler le lait des vaches. Ou encore le nábrók, ce pantalon fait en peau humaine à partir du dépeçage d’un cadavre, qui une fois enfilé fait apparaître indéfiniment de l’argent (je vous passe les détails techniques). Mais pour ce dernier cas, il est important d’obtenir au préalable l’accord de la personne défunte, avant sa mort de préférence. Je ne vous mets pas les photos ici, ça peut être un peu perturbant, vous les avez dans les liens si vous y tenez. Y’aura-t-il des musées dans le futur qui relateront les pratiques archaïques du XXIème siècle ?
La journée n’étant pas finie, je m’aventure vers Drangsnes pour faire le tour de cette petite pointe. La côte ici est exposée nord-est, et on trouve sur les grèves de nombreux troncs de bois flotté en provenance de Sibérie. Et ce qui est frappant, c’est que la propreté de l’Islande se retrouve ici aussi. Car outre les troncs d’arbre il y a aussi quelques déchets rejetés par les flots, des restes de filets ou d’autres matériels maritimes généralement. Et bien même dans cette endroit reculé, qui n’est pas du tout sur le chemin des touristes, les déchets sont ramassés et empaquetés pour ramassage ultérieur. C’est à ce souci du détail qu’on comprend un peu mieux la propreté du pays. La propreté entraîne la propreté, et bien qu’il n’y ait presque pas de poubelles publiques dans les rues (c’est un choix et pas un oubli), il n’y a que très peu de saleté dans les villes ou dans la nature, car personne n’a envie d’être le premier à souiller les lieux.
Le ramassage des déchets en bord de mer.
J’ai envie de regarder un peu le ciel ce soir pour voir ce que ça donne dans ce coin du monde, alors pour attendre la nuit je m’en fais faire un tour à la piscine qui reste ouverte tard et qui offre plusieurs bassins aux températures variées : 5°, 34°, 39° ou 42°. À choisir selon ses envies et à faire dans l’ordre qu’on veut.
Plus l’heure tourne et plus je me rends compte qu’en fait c’est peut-être pas ma meilleure idée que celle d’observer le ciel. Même en s’éloignant de la ville, le ciel reste clair (la photo ci-dessous a été prise à 23h40), et comme il est en plus assez couvert, je m’en retourne à l’auberge. Au moins la lumière m’aura-t-elle permis de voir que les bananes (cultivées localement !) que j’avais achetées sont plus jaunes qu’il y a deux jours, alors je me console en m’en régalant d’une.
Hólmavík, la nuit. Enfin la nuit, je me comprends.
Les moutons du jour :
Moutons fleuris.
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