J4 : le sable rouge et les cocotiers
Parcours : Stykkishólmur - Bjarkarholt
Distance : 270 km
Aujourd’hui on prend le bateau pour traverser un bras de mer qui sépare la péninsule de Snæfellsnes de la région des Westfjords. C’est en fait un immense fjord ouvert sur l’Atlantique, qui se découpe lui-même en plusieurs fjords plus petits : Breiðafjörður. Il est possible de faire le trajet par la route, mais c’est un long détour et cela nous aurait coupé aussi de cette ville de Stykkishólmur, qui même dans l’air frais du petit matin conserve son charme.
Le ferry embarque près d’une centaine de véhicules, tous rangés en rang d’oignons pour minimiser les espaces, ainsi que les voyageurs qui vont avec. La mer est calme et le ciel parfaitement dégagé, et c’est plutôt une bonne chose pour naviguer en ces eaux qui abritent des milliers de récifs ou d’îlots, inhabités pour la plupart.
L’un des nombreux phares croisés lors de la traversée.
En se penchant vers l’eau, on s’aperçoit qu’il y a une multitude de méduses près de la surface. C’est les eaux froides qui les attirent probablement. De même, c’est un lieu prisé des dauphins, même si je n’en verrai aucun aujourd’hui. Des jumelles n’auraient pas été de trop ici pour profiter de ces grands espaces dégagés et des trois heures que durent la traversée. Nous faisons une halte sur l’une des plus grandes îles qui abrite un petit hameau, et que certains voyageurs s’en vont visiter.
L’île de Flatey
Le ferry nous débarque au milieu de nulle part, et me voilà parti à nouveau pour l’aventure, direction l’ouest. Sur la route, je croise un bateau qui me semble à première vue peu à sa place.
C’est moi ou il est mal garé ?
Il a été échoué là volontairement, en hommage au fait qu’il ait été le premier bateau de ce type (en métal) en Islande. Ce qui est étrange, en me renseignant sur lui sur internet, c’est qu’il apparaît sur des photos de 2012 avec une couleur totalement différente et sans marquage (ici par exemple). Aurait-il était repeint entre temps alors même que c’est une épave échouée ?
De ce côté-ci, les montagnes sont plus hautes et le paysage change, mais reste toujours aussi surprenant. Je croise une plage de sable fin où au loin les variations du turquoise de la mer n’ont rien à envier aux contrées plus exotiques. Seul bémol en revanche, la route. J’avais appris à connaître les route en graviers depuis deux jours, mais là c’est d’un autre niveau. Et pourtant ce n’est pas une route réservée aux 4×4, mais s’alternent les tronçons de piste en terre, les graviers, la boue, les gros cailloux, les ornières, les bas-côtés pentus où un écart entraîne une chute fatale, les tracteurs qui travaillent sans signalisation aucune à retracer la route, ce qui rend parfois inaccessible sur une longue portion l’une des deux voies de la chaussée. Enfin de la chaussée, on s’est compris. Bref, c’est une conduite fort éprouvante, et les kilomètres qui sur la carte semblent bien peu se vont sentir de plus en plus tant et si bien que je suis plusieurs fois tenté d’abandonner pour m’en retourner par là d’où je suis venu. Mais je n’en ferai rien, et après une heure et demie de conduite hasardeuse, je suis récompensé lorsque j’arrive finalement aux falaises de Látrabjarg. Suite à ma remarque sur les routes du coin, mon hôte du soir me dira que c’est un mal pour un bien, et que si les routes étaient de meilleure qualité, plus rien alors n’empêcherait les bus de touristes de débarquer, et la tranquillité des lieux serait alors à jamais perdue. C’est pas faux.
Ces falaises donc, sont à la pointe extrême ouest de l’Islande (et presque de l’Europe). Il est possible de suivre un sentier qui monte et s’élève jusqu’à atteindre le point le plus haut qui culmine à 440 mètres. Le lieu est réputé pour les oiseaux qu’il abrite et par le fait qu’ils soient, du fait de l’isolement, assez peu farouches face à l’homme.
Un macareux curieux.
Je m’en retourne par la même route, mais bifurque ensuite pour me rendre vers Rauðisandur. La route n’est pas meilleure, mais heureusement un peu plus courte pour finalement arriver sur un promontoire qui m’ouvre une perspective immense. Il s’agit là d’une très longue plage avec du sable rouge. Le petit guide au sac à dos la présente d’ailleurs comme l’une des plus belles plages du monde. Bon. Alors, j’ai vu la plage d’en haut puis je suis descendu près de la mer la voir de près. Et on va pas se mentir, niveau cocotier c’est pas ça. Après par contre si vous arrivez à passer outre, j’ai de quoi vous parler.
Notez au fond le Snæfellsjökull, le glacier de la veille.
C’est un endroit d’un calme envoûtant, délimité par la montagne d’un côté et la mer de l’autre. Et comme les autres jours, elles paraissent proches, faisant parties intégrantes de ce décor. Il y a entre les deux une fine bande de pâturage, puis la route, et une longue étendue d’herbes folles dans laquelle je gambade allègrement au long d’un sentier jusqu’au sable. L’horaire doit aussi y être pour quelque chose, mais c’est le vide complet, je ne croise personne, hormis quelques moutons. La marée est basse, et la mer n’est même pas en vue. S’alternent simplement des bancs de sable et d’eau à faible profondeur, et il y a de quoi marcher et marcher encore, que ce soit vers la mer ou le long de la mer, la plage faisant une dizaine de kilomètres de long.
Rauðisandur ou l’apprentissage des couleurs.
J’aimerais pouvoir rejoindre la mer, m’abandonner dans ce décor coupé de tout, enfermé dans le sérénité qu’il dégage, à explorer encore plus loin, à attendre le coucher du soleil pour admirer les nuances de couleurs que cela ne peut qu’induire. D’autant que d’après certains témoignages, c’est aussi un repaire à phoques ! Malheureusement le temps me manque (quelle raison futile quand on est face à de tels éléments), et je me vois contraint de faire demi-tour, l’esprit toujours empreint d’un mélange de quiétude, d’émerveillement et d’excitation aventurière.
Les Islandais ont, paraît-il, une forte croyance dans les histoires d’elfes et de trolls, qui peupleraient leur île. Et sur la plage, j’ai trouvé une preuve assez évidente de la présence de ces trolls vivant dans les parages : une empreinte de pas (d’un troll manifestement unijambiste). Ils sont peut-être pas si fous que ça ces Islandais.
À gauche le troll, à droite moi.
N’ayant pas anticipé le temps nécessaire pour parcourir ces routes chaotiques, je suis bien en retard pour mon check-in du soir. Mon hôte n’étant plus là, il a laissé sa maison ouverte et la clé de ma chambre sur la porte. L’isolement permet certaines choses qui seraient impensable ailleurs.
Et voici les moutons du jour :
On dirait pas comme ça, mais ils sont tous au galop là.