J3 : voyage au centre des oiseaux
Parcours : Hellissandur - Stykkishólmur
Distance : 130 km
Il y a un bon nombre de routes, pour la plupart à travers les montagnes, qui sont réservées exclusivement aux véhicules 4×4 et hauts sur pattes. Elles sont très bien signalées et ont une dénomination qui commence par F + un chiffre. Les Américains ont le « F word », les Islandais ont les « F roads ».
Et en l’occurrence, il y a une route de ce type qui permet de monter sur les hauteurs du volcan proche, celui qui clôture en quelque sorte la péninsule, le Snæfellsjökull. Volcan au sommet duquel s’est installé un petit glacier mais, perspicace que vous êtes, vous l’aviez compris, « jökull » signifiant glacier. C’est par ailleurs le volcan qui sert d’entrée vers le centre de la Terre dans Voyage au centre de la Terre.
Le Snæfellsjökull et ses coulées de lave, la tête dans les nuages.
Mais n’ayant pas un tel véhicule, je me contenterai d’en faire le tour en passant par le parc national à l’ouest. Et pour commencer, il faut traverser une zone de steppe en bord de mer qui a été choisie par des milliers et des milliers de couples de sternes arctiques pour venir nicher. Sur quelques kilomètres, le ciel est rempli d’oiseaux, mais ce qui est le plus frappant c’est que les nids sont à terre, et que les sternes ne sont pas farouches du tout. Il y en a tout autour de la route, et probablement beaucoup plus en se rapprochant de la mer, qui restent là à protéger le nid en attendant le retour de l’époux parti pêcher. Et malheureusement, elles sont nombreuses à s’arrêter ainsi au bord de la route voire sur la route, ce qui entraîne immanquablement des accidents tragiques. La signalisation est tout de même renforcée sur cette portion de route pour lutter contre cela, et des essais sont réalisés avec la chaussée peinte en différentes couleurs peu naturelles pour repousser les sternes vers des lieux plus sûrs.
Bouge de là, c’est chez moi ici.
On quitte les dernières maisons et les derniers oiseaux, et on s’enfonce ensuite rapidement dans un champ d’énormes rochers noirs. La mousse les recouvre par endroit, mais ils semblent vraiment avoir été expulsés par le volcan la veille, et on est tenté de regarder le ciel pour s’assurer qu’il n’y a plus de danger de s’en prendre un sur le coin de la tête.
L’Islande possède plus de 200 cratères dont plus de la moitié abrite des volcans actifs. Et il n’est donc pas surprenant de croiser, devant le Snæfellsjökull et ses 1448 mètres d’altitude un cratère qui sort de la plaine à une hauteur de 50 mètres à peine. Il se découpe parfaitement sur l’horizon, avec sa dégaine et son cratère presque intact.
Je suis un volcan parfaitement conservé, et je me la pète un peu.
Un escalier permet d’atteindre le sommet et d’observer toutes les circonvolutions de la lave solidifiée.
La lave, après.
Les champs de lave et de roches expulsées s’enchaînent les uns après les autres, mais en se rapprochant des côtes on sent l’influence de la mer. Il y a quelques prairies plus vertes, et surtout les rochers anguleux laissent place à des plages de galets plutôt jolis.
L’Islande étant une île, je ne vous révélerai pas un grand mystère en vous disant que le trafic maritime y a toujours tenu une place importante, que ce soit pour la pêche locale ou pour le commerce international. Et de part les conditions météorologiques et la morphologie assez abrupte des lieux par endroits, les naufrages ont été légion. Il y a d’ailleurs à Reykjavik, près du port, une place accueillant un petit mémorial qui les dénombre, et qui pour certains relate les circonstances des événements. On croise aussi dans plusieurs villes des monuments aux morts commémorant des pêcheurs disparus en mer.
En continuant justement, on tombe sur la plage de Djúpalónssandur. « Sandur » voulant dire sable, vous prenez le nom d’un lieu, vous y collez sandur, et puis ça vous fait une plage. Bon là ok c’est des galets, mais bon c’est conceptuel, faut pas vous arrêtez à ce genre de détail. Bref on trouve sur cette plage, complètement mangés par la rouille et éparpillés par les éléments, les restes de la carcasse d’un navire échoué là au milieu du siècle dernier.
Des galets et encore des galets. Notez la régularité surprenante des bosses sur la plage.
Il y a beaucoup à marcher au bord de l’eau pour qui veut, mais le temps tourne et il me faut continuer pour finir le tour de la péninsule. Je remonte vers le Nord, toujours admiratif du ce panorama grandiose entre montagne, mer et soleil, et je tombe soudain nez à nez avec un mont qui surgit de nulle part, posé sur la mer, le Kirkjufell. Il surplombe le petit village de Grundarfjörður qui s’étend le long de la route. Cette montagne est majestueuse et vraiment surprenante. Elle me donne la sensation de protéger ce village, comme si elle dirigeait contre elle la force des éléments pour laisser le calme s’insinuer au fond de ce petit fjord.
De l’art de choisir l’emplacement de sa maison.
Je remonte encore, traversant de nouveaux champs de lave recouverts de mousse, jusqu’à atteindre ma destination finale du jour : Stykkishólmur. C’est une magnifique petite bourgade où l’on vient dormir pour prendre le ferry le lendemain matin. Il y a un charme particulier qui se dégage de cet endroit, où la vie s’organise autour du port, où les effluves de poissons frais se propagent au gré du vent, ouvrant les appétits sur leur passage, où les petites maisons colorées semblent posées là délicatement en harmonie avec le paysage, où une douce langueur s’empare de celui qui s’en va sur la presque-île protégeant le port pour contempler le soleil couchant qui n’arrive jamais. Stykkishólmur ou la quête de la sérénité. Stykkishólmur ou la quête de la sérénité.
Merci d’avoir lu jusqu’au bout, pour vous voici les moutons du jour.
Les moutons du jour.
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