J10 : générateur de cartes postales
Parcours : Selfoss - Vik (via Landmannalaugar)
Distance : 130 km
Voilà le moment d’aller dans la partie de l’Islande que vous attendiez tous depuis le début (faites semblant sinon, soyez sympas), celle qui sert de générateur de cartes postales ou d’étalonnage pour les couleurs de votre écran, celle qui motive le touriste à porter 40kg sur ses épaules et à lutter contre le vent et la pluie, celle qui était jadis le repère des contrebandiers et des brigands contraints à l’exil, j’ai nommé Landmannalaugar.
On se presse pour prendre le bus qui nous emmène sur les hauts plateaux de l’intérieur de l’île. L’accès est réservé aux 4×4 sur ces routes, et ces bus sont justement suffisamment haut pour s’y aventurer également. D’ailleurs de manière générale il y a beaucoup de véhicules sur les routes qui ne sont pas juste des 4×4, mais qui sont de vrais mastodontes surélevés pour passer vraiment partout.
You shall not pass !
Durant l’heure et demie que dure le trajet sur cette route caillouteuse, on traverse à gué plusieurs rivières, et les paysages alternent entre les déserts de sable noir et les champs de lave, où à chaque fois la végétation se limite à quelques touffes d’herbe ou plus généralement à de la mousse. Par endroit encore, au détour d’un col ou d’une vallée, on peut voir d’immenses prairies dans lesquelles gambadent gaiement quelques moutons errant au loin.
Qui veut gambader avec moi ?
Après une dernière rivière à traverser, le bus nous dépose près du camping qui se trouve au départ de toutes les randonnées locales. Motivé qu’il faut être pour dresser sa tente ici, dans un champ de cailloux balayé par les vents.
Un bus amphibie, ou presque.
Dès le parking, le paysage offre des formes et des couleurs des plus étranges, mais il faut monter un peu et traverser un champ de lave pour en découvrir davantage. Et là, même en y étant préparé, c’est une claque qu’on se prend. Tout autour de nous, il n’y a que des montagnes aux pointes arrondies, des bosses et des ravines, à la palette de couleurs improbable mais en même temps tellement harmonieuse. Ocre, orangé, rouille, blanc cassé, vert bien gras, gris, noir profond, et par endroits même violet ou bleu d’eau (oui oui, ça existe, sortez votre nuancier).
Là où s’arrête le champ de lave s’étend une immense prairie où se divisent et se croisent de nombreux cours d’eau. Et tout autour, ces montagnes bosselées bariolées de mille couleurs. C’est un endroit totalement surnaturel, mais en même temps qui paraît harmonieux, immaculé, façonné avec passion au fil des siècles par les éléments. Et à vrai dire si, cela semble complètement naturel. C’est le désert aride qui rencontre l’eau et la vie, ce sont les profondeurs volcaniques de la Terre qui goûtent aux joies du soleil, de l’air et de la pression de surface.
Landmannalaugar dans toute sa splendeur.
Bien différente et changeante est la météo dans cette région, comme toute météo de haute montagne, bien que nous ne soyons qu’à 600 mètres d’altitude. Et si le soleil perce par moments, la couverture nuageuse se fait plus épaisse à mesure de la journée, mais n’enlève rien à l’atmosphère du lieu, bien au contraire.
Les moutons, imperturbables brouteurs peu importe là où ils se trouvent, profitent de l’herbe bien verte de la prairie. Certains éleveurs islandais prétendent que l’herbe est meilleure sur les hauts plateaux intérieurs comme ici, ce qui donnerait en conséquence une viande plus goûtue. Ils les laissent donc se promener par eux-mêmes durant la période estivale et viennent les récupérer quand leur laine ne leur permet plus de lutter contre le froid qui s’installe à l’automne.
Les chemins divergent ici, et certains tentent l’aventure sur plusieurs jours avec une tente sur le dos. Je me contenterai de rejoindre une crête et de la suivre pour avoir une vue dégagée sur ce haut lieu de la colline colorée. Mais avant cela, il faut traverser quelques cours d’eau, et c’est frappant de noter à quel point cela représente un obstacle oublié, quand le génie civil n’est pas passé par là pour construire une passerelle, quand on ne suit pas un beau sentier balisé et qu’on doit tracer soi-même sa route. Il faut remonter puis redescendre le cours d’eau, juger de la force des courants et des distances entre les berges. Et ensuite, les moins frileux (ou les plus patients) pourront se déchausser pour traverser pieds nus à gué, les moins patients (ou les plus fou-fou) pourront tenter de sauter par dessus le courant (je vous laisse deviner où je me range).
Le système capillaire aquatique.
L’alternance des couleurs continuent sur la tranche de la crête, et les bandes de couleurs sont très marquées et ne se mélangent pas. Je découvre d’ailleurs dans une zone aux pierres orangés, un message à destination de nos voisins martiens. Il a volontairement été dessiné dans cette partie aux couleurs proches des couleurs martiennes, en signe de paix et de compréhension mutuelle entre peuples humains et martiens. Des précurseurs dans la diplomatie de demain ces Islandais.
Les américains envoient des plaques en or gravées avec les coordonnées de la Terre sur des sondes spatiales par-delà les limites du système solaire, les Islandais sont des gens plus simples et plus chaleureux.
En avançant encore et avant de redescendre, on peut distinguer clairement qu’il y a beaucoup de lacs dans la région, vers lesquels convergent les différents cours d’eaux rencontrés. Voilà une autre incongruité de ce lieu où ces lacs surprennent beaucoup, car ce n’est pas du tout le décor dans lequel nous sommes habitués à les voir.
Pour qui veut, en revenant de la journée de marche, une source d’eau chaude près du camping permet de se réchauffer et de se détendre à même la rivière.
Sur le retour, avec le ciel qui s’est couvert et la brume qui descend rapidement prendre possession des lieux, les vallées prennent des allures fantastiques et irréelles. Il est compréhensible là-dedans de voir d’où les Islandais tirent leurs histoires de trolls, ils pourraient être cachés n’importe où.
Les pouvoirs magiques de la brume.
Me reste un peu de chemin à parcourir pour arriver jusqu’à Vik où se trouve mon auberge du jour. Et cette petite ville ne manque pas à sa réputation de ville la plus pluvieuse d’Islande puisqu’elle m’accueille avec un crachin du soir.
Les moutons du jour :
Ils ont l’air un poil blasés par le paysage. C’est con un mouton.