J4 : Aiguilles²
Parcours : Solenzara - Zonza
Distance : 80 km
La belle lumière appartient à ceux qui se lèvent tôt. Et bien c’est peut-être très beau, mais ça pique quand même derrière les yeux que de devoir se lever avant les poules. Dans le matin endormi, je suis la côte vers le sud, direction la tour génoise de Fautea. Les couleurs, légèrement plus rosâtres que le coucher du soleil tendent tout de même vers l’oranger.
Qu’il est doux ce moment perdu à la limite du jour. Comme si les trois coups venaient d’être frappés, et que le rideau venait de se lever. La scène est là, encore vierge de comédiens, laissant le spectateur découvrir le décor avant d’assister à la renaissance du monde. La végétation gagne en volume à mesure que le soleil croît sur l’horizon. La plage s’illumine soudainement, dévoilant sans pudeur son naturel séducteur. Et puis le temps suspendu nous rattrape, la scène s’emplit de vie et il est temps alors de rentrer pour aller se tartiner des biscottes avec les infortunés spectateurs s’étant levés trop tard pour assister au lever du rideau.
Lever de rideau sur le monde
Permettez-moi de citez Henry David Thoreau, qui avait quelque tendresse pour ce moment-là lui aussi : « L’air matinal ! Si les hommes ne veulent boire de cela à la source du jour, eh bien, alors, qu’on en mette, fût-ce en bouteille, et le vende en boutique, pour le profit de ceux qui ont perdu leur bulletin d’abonnement à l’heure du matin en ce monde. Toutefois, rappelez-le-vous, il ne se conservera pas jusqu’à midi tapant, fût-ce dans le plus frais cellier, et bien avant cela fera sauter les bouchons pour s’en aller vers l’ouest sur les pas de l’Aurore. »
Les biscottes digérées, on quitte la côte est pour les incontournables Aiguilles de Bavella, découpées dans le granit rose de la région. La route serpente et on découvre encore un nouvel univers végétal. Ici le pin est roi, il s’élève haut et droit. Ses aiguilles se répandent de part et d’autre de la chaussée, dans un délicat tapis aux teintes rousses. Le soleil cuisant en fait remonter toutes les effluves. Et virage après virage, l’asphalte se teinte de rose pour compléter cette harmonie des sens.
Les aiguilles des pins des aiguilles de Bavella
Les deux cols à passer laissent derrière eux des pentes imposantes et quelques lacets sur lesquels s’épuisent de nombreux cyclistes amateurs. Ce doit être une expérience unique que de découvrir le chemin et de respirer à plein poumons cette odeur de pin au rythme régulier de son coup de pédale. J’aimerais beaucoup tester cela également.
Milieu de matinée, col de Bavella. La zone regorge de monde. Le parking (payant !) est plein. Oui payant. De quels droits fait-on payer un parking permettant l’accès à un lieu naturel, public et accessible à tous ? Le chemin à travers les bois est tout aussi plein que le parking le laissait supposer, il faut alors en sortir et prendre un peu de hauteur pour s’échapper de ses semblables et accéder enfin à la quiétude propre au lieu.
Le granit pour fauteuil, les aiguilles de pins pour tapis et les Aiguilles de Bavella pour cadre. Voilà l’endroit idéal pour sortir un petit fromage de pays avec du pain, et faire ensuite un petit somme.
Panorama
(déplacez horizontallement pour tout voir)
La vue d'en haut
J’essaye de monter plus haut encore, mais je suis rapidement rattrapé par le vertige. Non pas celui qui vient en regardant vers le bas, mais celui qui vient en regardant le sommet abrupt, quand on a l’impression d’être proche du bout de quelque chose, celui qui vient quand on se rend compte que le pic sur lequel on a grimpé s’est énormément rétréci. Le vert et le rose des arbres et des roches se font rares, et il n’y a bientôt que le bleu étouffant du ciel qui m’entoure. Il ne me reste alors plus qu’à redescendre aussi vite que je suis monté pour me replonger dans la forêt et retrouver sa couverture rassurante.
Étape pour la nuit à Zonza. Petit village mais important point de passage avec des nombres gîtes et hôtels car il est proche du tracé du GR 20 et du chemin Mare a Mare sud.