J2 : le divin rocher blanc
Où nous approchons d'une réserve naturelle en pleine mer.
Parcours : Baie de Morlaix - Réserve naturelle des Sept Îles
Distance : 65 km
La nuit a été des plus paisibles, le roulis étant réduit à un doux bercement langoureux maintenant que nous sommes à l’abri de la houle. Nous avons même la possibilité ce matin de prendre tranquillement une douche dans les 2 cabines du bateau, luxe que ne devaient pas avoir les marins embarqués à l’époque, faute de place, car ils n’étaient pas 15 mais entre 50 et 60…
Accroché à la vergue pour dénouer la voile
Mais après le petit-déjeuner il faut repartir, et la météo est toujours très variable, avec de brèves éclaircies suivies d’averses aussi violentes que courtes, et la mer en est quelque peu agitée comme hier.
Nous avons fait une bonne partie du chemin hier, aujourd’hui nous ne sommes donc pas pressés et pouvons utiliser les voiles en majorité pour rejoindre notre point de mouillage du soir, les Sept îles, au large de Perros-Guirec. Mais compte-tenu du vent, pour en profiter dans les meilleurs conditions, nous utilisons d’abord pas mal le moteur pour nous positionner dans un sens qui nous permettra ensuite d’encaisser la houle sans trop être agités. Malgré cela, le mal revient comme la veille, contraignant d’abord les plus sensibles d’entre nous puis peu à peu une grande majorité des passagers à s’allonger dans leur lit ou sur le pont pour observer les nuages tanguer.
J’arrive tout de même à garder l’œil ouvert pour me laisser pénétrer par l’immensité qui nous cueille, par ses vagues qui se déversent sur nous, indifférentes à notre sort, par le roulis qui nous contraint parfois à nous accrocher pour ne pas glisser de notre place, par le vent qui gonfle nos voiles et par le cap qui reste fixe comme pour défier les éléments à nous en détourner, par ses marins qui demeurent agiles par tout temps et qui manœuvrent avec justesse et concision. Je voudrais tant pouvoir montrer une telle maîtrise, rester debout, droit, une main sur un hauban et le regard embrassant l’horizon. Mais qu’importe, les images sont là tout autant.
En fin de journée, la grande voile arrière, la brigantine, se déchire, ou plus exactement se découd à l’improviste, sans grand fracas. Le capitaine a alors un réflexe pour la sauver et éviter qu’elle ne se déchire entièrement, en un instant il manœuvre et se place face au vent pour ne plus lui donner de prise et ainsi dégonfler la voile qui se met à battre, le temps de la replier. Ce n’est pas une grave avarie pour la suite du voyage, mais il nous avoue qu’il y aura tout de même une journée de travail pour la recoudre une fois arrivés au port de Paimpol.
Nous recherchons un endroit où nous arrêter pour la nuit, un port nous refuse faute de place et nous nous dirigeons donc vers la réserve naturelle des Sept îles. Nous apercevons au loin l’île Rouzic, en plein cœur de cette réserve, qui est interdite à l’homme et sur laquelle viennent nicher des milliers de couples d’oiseaux, principalement des fous de Bassan. Et c’est un spectacle unique à voir quand, dans une éclaircie, un rayon filtre d’entre les nuages pour éclairer cette petite île dont le sommet n’est pas noir de monde mais blanc d’oiseaux. Et plus que cela, ce sont encore ces mêmes oiseaux en vol au-dessus qui tournoient en cercle comme bloqués dans un cylindre invisible, ne pouvant s’échapper qu’en hauteur, auréolant ce bout de terre entouré d’une mer noire menaçante d’un nuage blanc ondoyant, donnant presque un côté divin au tableau. Mais vous n’aurez pas de photos, ça se mérite ce type de peinture ! Enfin j’étais surtout dans l’incapacité de prendre des photos en vérité. Mais heureusement, il vous reste votre imagination :-)
Nous mouillons finalement face à l’Île aux Moines, qui abrite un phare et un petit fort, toujours dans la réserve naturelle. Le zodiac est mis à l’eau pour faire la navette et nous déposer à terre, mais l’opération est annulée au dernier moment par le capitaine qui juge la mer trop agitée et l’opération trop imprudente. C’est donc depuis le pont du bateau que nous assistons au coucher de soleil derrière l’île.
L'Île aux moines
Le dîner est servi à l’intérieur, mais comme la mer n’est pas aussi calme que hier même à l’abri de l’île, et qu’en bas dans la cuisine on ressent encore plus les mouvements du bateau, je ne peux guère manger.