J6 : grand luxe

La Mer Baltique Sur Le Belem
7 juillet 2019

Lieu : au sud de l'île de Öland

Dimanche c’est grand luxe, nous avons droit à un croissant chaud au petit déjeuner et, raffinement ultime, à une nappe en papier le midi. Je cerne chaque jour un peu plus la personnalité de Bernie. J’ai constaté aujourd’hui qu’il ne semble pas porter en grande estime la tradition française des viennoiseries, puisqu’il n’a pas fait de différence entre le croissant et la vulgaire baguette. Et qu’il a tartiné son beurre et sa confiture à la myrtille par-dessus le croissant.

Dimanche ou pas, il n’y a pas de repos en mer. Il n’y a pas de repos face aux embruns et face aux lames qui viennent lécher le pont. Il n’y a pas de repos face à la nature. Nous nettoyons les cuivres (cabestans, marches, charnières, sabords, etc) chaque jour, et chaque jour il est nécessaire de le refaire. Et c’est un plaisir de rendre beau ce qui était sale. De participer à la perpétuation du bateau, de reproduire des gestes qui ont été reproduits des milliers de fois déjà. On voit en quelques minutes le fruit de son travail, on comprend l’importance que ça a.

Après une nuit calme nous avons à nouveau un bon vent ce matin, les voiles se gonflent et on est pris de la même euphorie que le bateau. Il accélère et gîte de plusieurs degrés, penchant l’horizon devant nous. Mais nous restons pour autant très stable. C’est la réponse du bateau à ce vent de travers. C’est dans ces moments là que l’adrénaline est la plus forte, quand on prend de la vitesse. Quand il faut réagir vite pour ne pas dévier de cap et se rapprocher des chenaux interdits à la navigation à voile. Pour ne pas endommager le gréement en le laissant prendre du vent pour lequel il n’est pas réglé. Les matelots, bosco en tête, observent les voiles et se répartissent aux différents points clés du navire. Puis les ordres fusent et les stagiaires brassent et tirent sur les bouts. Parez à brasser ? Parés ! Et brassez ! Tiens bon ! Puis quand c’est nécessaire, un matelot monte dans la mature pour serrer les voiles qui ne doivent pas battre dans le vent au risque de se déchirer.

Le soir, après manger, au soleil et par mer calme c’est un moment qui fait beaucoup de bien à tout le monde après cette journée chahutée. C’est fou la différence avec cette après-midi. La mer a une infinité de visage, tous différents les uns des autres, et on passe de l’un à l’autre en quelques minutes à peine. L’instant présent est tout. Il n’y a rien d’autre qui vaille.

La dernière manœuvre de la journée à lieu à 22h30, et tous les stagiaires sont réquisitionnés. Demain matin nous devons mouiller au nord de l’île de Öland, et comme c’est un point de mouillage qu’aucun officier ne connaît, le commandant voudrait arriver de jour. Comme il n’est pas possible de faire tourner le moteur à faible allure sinon il s’encrasse, nous attendons cette heure tardive pour ne pas arriver trop tôt demain matin.

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