La Gazeille

Sur Les Traces De Robert-Louis Stevenson
15 août 2020

Parcours : Bouzols - Saint-Martin-de-Fugères
Distance : 22.5km (D+ 745m / D- 539m)

C’est au son des cloches que nous partons ce matin, sous un couvert nuageux qui nous promet l’ombre et la fraîcheur sans nous faire craindre la pluie. Les noisetiers et les pins qui bordent les chemins tracés nous coupent rapidement de Coubon. Les ronces nous offrent quelques plaisirs sucrés au long des chemins. Il y a aussi des arbustes qui donnent des baies qui pourraient passer pour de grosses myrtilles. Malheureusement mon goût du risque s’arrête avec mes connaissances en botanique, et je n’en connaîtrai jamais le goût. Quelle vie limitée que celle de celui qui est incapable de reconnaître la nature dans laquelle il évolue. Ne reste alors que la contemplation de l’inconnu et de ces multitudes de papillons qui tournoient autour de nous, bien conscients eux de ce qu’ils cherchent.

Le chemin se resserre ensuite, devient raide, et nous évoluons rapidement sur un sentier pierreux tracé au milieu de la végétation qui nous encercle de toute part, d’un vert éclatant d’humidité. Nos serviettes mise à sécher sur nos sacs comme des capes nous donnent des faux airs d’une procession de hobbits quittant la Comté. Après quelques kilomètres nous débouchons sur une crête qui nous offre un peu de plat, et que nous suivons un certain temps, jusqu’à apercevoir un petit bourg au loin. Le Monastier-sur-Gazeille, pendu ainsi à flanc de colline, éclairé d’un rai de lumière qui illumine de part en part les tuiles rondes de ses maisons me donne l’impression d’apercevoir Sartène en Corse, les oliviers sauvages en moins. C’est d’ici qu’est parti RLS, après avoir acheté son ânesse et s’être fait fabriquer sur mesure son sac de couchage en peau de mouton, qui lui servit à transporter son paquetage le jour et à dormir la nuit.

Notre écrivain écossais préféré écrivait ceci à propos de ce village :

Là, en vérité, vous trouverez de nombreux coins auxquels on prend goût; ce qui fit choisir par un noble anglais le bord du ruisseau de Suisse pour y faire creuser sa tombe, un endroit où la Nature présente l’aspect le plus frais, et paraît aussi jeune qu’au matin du septième jour. Un endroit de ce genre est le cours de la Gazeille, là où elle arrose le pré communal de Monastier et de là descend jusqu’à son confluant avec la Loire; un endroit où écouter chanter les oiseaux; un endroit que les amoureux aiment à fréquenter. Le nom de cette rivière a peut-être été suggéré par le bruit qu’elle fait en coulant sur les cailloux; car c’est une grande chanteuse et la nuit, quand j’étais couché à Monastier, je pouvais l’entendre gazouiller en descendant la vallée jusqu’au moment où je m’endormais.

Robert-Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les cévennes

La traversée du Monastier effectuée et une sélection de fromages de pays achetée plus tard, nous descendons justement au bord de la Gazeille pour goûter à ladite sélection de fromages de pays qui n’aura pesé que peu de temps sur nos épaules. C’est dans ce calme et ce gazouillement dont parlait RLS que nous mangeons, à peine troublés par le balai des libellules et le passage d’un serpent se faufilant au loin dans l’eau, dans ce qui pourrait sortir d’un imaginaire du Far-West. Celui de la rivière entourée d’une végétation assez haute qui masque les plaines plus arides de chaque bords, et où le trappeur parcourt en canoë le Nouveau Monde avant de s’arrêter comme nous manger sur les plages de galets en regardant tomber le soir tandis qu’un vent léger se lève, faisant frémir les feuilles des bouleaux.

Pas de canoë pour nous, pas de soir qui tombe, il est l’heure de repartir. Le soleil bien haut nous replonge dans la chaleur de la veille. Nous traversons une forêt de pins par des chemins rocailleux et noirs, qui donnent l’impression de marcher sur une coulée de lave refroidie qui traverse cette forêt de part en part. Mais l’ombre n’est que de courte durée, nous voilà à travers les champs de blé en train d’être moissonnés. Après le vert sapin et le granit noir c’est le jaune paille qui domine ici. Le climat semble plus sec qu’à Bouzols où nous étions ce matin encore, à quelques vallées de là.

Nous traversons quelques hameaux où tandis que des vieilles dames équeutent leurs haricots sur un banc devant chez elle, d’autres font commerce de leur hospitalité, proposant une ou plusieurs chambres de leur grande maison en guise de relai pour les randonneurs. On est loin de ce que doivent probablement être des chemins plus touristiques comme le chemin de Saint Jacques, mais l’association Stevenson fait un gros travail de démocratisation, dans la promotion de ce trajet comme dans l’implication des habitants des localités traversées.

Les gorges de la Loire se dévoilent petit à petit au loin, comme un ravin qui s’ouvre sur ces plateaux et qui engloutit la végétation. Nous finissons la journée en se rapprochant de cette bouche qui nous tend les bras et faisons étape au domaine de Bonnefont. Face à nous ce soir un nouveau château. Le château de Beaufort. La France, l’autre pays des châteaux.

Nous dînons encore copieusement, en compagnie d’un couple de cavaliers qui a choisi ce ranch comme base arrière pour sillonner la région à cheval.

Photos
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