J6 : Le jour de la Baleine

Journal De Bord Transatlantique
13 août 2015

J’ai l’impression que mon corps s’est habitué au mouvement du navire. Ou alors est-ce la mer qui est plus calme que hier ? Peut-être aussi. En tous cas je peux gambader joyeusement tout autour du bateau aujourd’hui. Il fait par contre toujours bien froid à l’intérieur, le pull est de rigueur.

Nous avons rendez-vous ce matin avec le capitaine pour qu’il nous montre le fonctionnement du mail qu’il a créé pour chaque passager. Ils seront envoyés (et reçus) avec le reste des envois quotidiens d’informations techniques du bateau. Certains navires plus récents permettent une connexion à internet complètement ouverte et accessible à tous partout (là nous devons passer par un unique ordinateur à côté de la cabine du commandant), avec un paiement en fonction de la consommation. Ce système sera installé sur le Fort Saint-Louis lors du prochain voyage.

Après la sieste de rigueur, je descends à nouveau faire un tour tout en bas. C’est là où on sent le mieux le navire vivre, les containers craquer quand on bascule à droite puis à gauche.

C’est ici qu’on joue au roi du monde C’est ici qu’on joue au roi du monde

Je monte sur le petit banc à l’extrême avant du navire. Quel silence délectable ! Plus de vibration, plus de bruit de moteur, même plus le bruit des flots qui s’ouvrent pour nous, et une vue dégagée des deux côtés ! Le meilleur endroit du cargo à n’en pas douter, et comme en prime nous avons le vent dans le dos, on ne le sent presque pas à cet endroit. C’est le parfait endroit pour lire, et il faut bien que je m’y mette, parce que je n’ai pas encore trop eu le temps d’avancer à ce niveau depuis le début.

Une baleine se cache sur cette photo Une baleine se cache sur cette photo

C’est aussi l’occasion de scruter l’horizon, à la recherche d’indice du passage d’un banc de dauphins ou d’une baleine. Et cette fois-ci la chance est avec moi, car j’aperçois au loin un geyser qui se reproduit à intervalle régulier, et que je suis arrivé à photographier (voir-ci-dessus). Le cargo le rattrape et la dépasse, j’ai tout de même le temps d’apercevoir très nettement l’immense dos lisse et la nageoire dorsale de la baleine (ou du cachalot), à une trentaine de mètres à peine.

L’échelle de corde utilisée par le pilote pour monter à bord L’échelle de corde utilisée par le pilote pour monter à bord

En se promenant ainsi sur cette partie du bateau, je ressens beaucoup la peur de glisser et de chuter dans l’eau pour me retrouver très vite seul perdu au milieu de rien. C’est clairement un endroit qui nécessite un minimum d’attention. La signalisation est toutefois très présente et préventive, notamment avec un code couleur bien respecté. Rouge et blanc, ce sont les instruments nécessaires à la bonne marche du navire, zébré jaune et noir, attention c’est amovible ou c’est une zone de travail, et orange pour tout ce qui est secours, bouées, gilets de sauvetages, canots, etc.

Un canot de sauvetage Un canot de sauvetage

Autre point, sur chaque pont se trouve toujours un plan avec le positionnement des passagers et de l’équipage dans les cabines, et dans pratiquement chaque bureau on trouve un document punaisé au mur avec la photo et le nom de chaque personne à bord. La signalisation est très présente et on sent que la sécurité est toujours au centre de l’attention.

Safe Working Load : 50 tonnes Safe Working Load : 50 tonnes

La mer est toujours là, immuable, mais bien vivante, à jouer sans cesse avec le vent pour se remodeler. Et elle immense, elle est partout, et elle sera toujours là, aussi loin que l’homme sera l’homme et même après — surtout après.

Ce soir nous changeons encore d’heure, hop encore une journée à 25h ! Nous sommes littéralement dans une faille spatio-temporelle, dérivant au milieu de nulle part. Qu’il est bon de se perdre dans la contemplation de ce nulle part, on se laisse aller à la sérénité absolue, on se propulse vers cet horizon dégagé, on s’oublie pour ne plus faire qu’un avec cet harmonie de couleurs et de formes.

Bonne nuit Bonne nuit