J7 : un petit tour et puis s'en va

Où je découvre une vérité dérangeante sur les anglais.

De Brest À Édimbourg
14 août 2017

Parcours : Plymouth - Birmingham
Distance : 215 miles (346 km)

Premier réveil en Angleterre, et premier choc culturel. Si les vapeurs de saucisses de porc revenues dans le beurre ne sont pas totalement ecœurantes quand on rentre le soir l’estomac creux, il en est autrement le matin quand on cherche la salle de bains la tête dans les nuages et les yeux encore mi-clos. Mais cela ne s’arrête pas là (oh non !), comme je vais le découvrir quelques minutes plus tard en me rendant dans la salle à manger commune. Je ne peux alors qu’assister impuissant au petit-déjeuner d’une dizaine d’anglais et d’américains. D’un côté ils ingurgitent des céréales mélangées avec du yaourt et du lait, et de l’autre ils piochent avec flegme mais non sans gourmandise dans une assiette composée d’œufs au plat sur des toasts de pain de mie baignant dans la sauce des haricots blancs les accompagnant, et à côté desquels trônent une tranche de bacon et la saucisse en question, le tout orné de quelques tomates et champignons d’apparat. Les anglais présentants les symptômes les plus aigus iront même jusqu’à prendre à côté quelques quartiers de pamplemousse dans leur jus pour pimenter les choses. Et pour que le tableau soit complet, il faut bien imaginer que tout le monde sirote sa tasse de thé en mangeant sa saucisse.

Pour en revenir à l’histoire de Plymouth, son port est aussi célèbre pour avoir été le point de départ du Mayflower, bateau ayant transporté à travers l’Atlantique les colons considérés comme les pères fondateurs des États-Unis. À vrai dire, ils sont partis de Londres, avant de faire deux étapes sur la côte sud de l’Angleterre pour réparer des avaries. Et puis quand ils pensaient en avoir fini avec ces problèmes et qu’ils étaient déjà engagés dans l’Atlantique, le second bateau de l’expédition, le Speedwell, a commencé à montrer de sérieux problèmes d’étanchéité qui les a poussés à revenir vers la côte et à faire escale à Plymouth. Inspection faite, le Speedwell est déclaré inapte à la traversée, et on transfère donc marchandises et passagers à bord du Mayflower. Ils partent finalement le 6 septembre 1620 et arriveront début novembre. Le Mayflower faisait une trentaine de mètres de long et 180 tonnes, soit un peu plus que la Recouvrance (25 et 150 respectivement). Nous étions 10 passagers et 5 membres d’équipage, eux étaient 102 et entre 20 et 30 membres d’équipage, sans toilette et dans une promiscuité difficilement imaginable, mais avec l’espoir de fuir les persécutions dont ils étaient l’objet et avec l’envie de bâtir une société différente dans le Nouveau Monde, où ils seraient libres.

Tentative de maquette du Mayflower (sans avoir l'original) Tentative de maquette du Mayflower (sans avoir l'original)

Le soleil n’est plus de la partie aujourd’hui, mais ça ne m’empêche pas de continuer à découvrir la ville à pied. Et à profiter des mûres qui prospèrent dans chaque recoin de verdure laissé à l’abandon, et que les anglais semblent bouder tant j’en trouve facilement. J’en profite et m’en régale en bon chasseur-cueilleur moderne.

Direction Birmingham aujourd’hui, en train pour prendre le temps de traverser la campagne anglaise. L’exploitation du réseau de chemins de fer est privatisée au Royaume-Uni. Il y a donc un marché ouvert, une concurrence et plusieurs compagnies différentes (18 au total !). Certaines régionales (exemple ScotRail), d’autres plus étendues comme CrossCountry qui couvre l’ouest et le nord de l’Angleterre (mais pas l’est et Londres par exemple). C’est cette dernière que je prends aujourd’hui et que je prendrai également demain pour rejoindre l’Écosse.

À l’intérieur de ces trains (100% diesel, aucune électrification de ce côté-ci du réseau), chaque place est bien entendue numérotée, mais en plus de cela il y a un petit écran au-dessus de chaque siège qui indique les réservations et les places libres, et qui se met à jour en temps réel au fur et à mesure de l’avancement du train. On n’a pas encore ça dans nos TGV ! La voie juste avant Exeter longe la côte de la Manche sur quelques kilomètres avant de rentrer dans les terres, et c’est un spectacle des plus agréables.

En arrivant à la gare de Birmingham New Street, la différence avec Plymouth est frappante. La ville paraît bien plus grande, jeune et dynamique. Elle compte un peu plus d’un million d’habitants et c’est la seconde ville du Royaume-Uni. Et bien que très industrielle aussi, on sent qu’elle a su se renouveler au contraire de Plymouth.

La découverte du soir c’est [Birmingham Moor Street] (http://www.urban75.org/blog/the-magnificent-edwardian-grandeur-of-birmingham-moor-street-station/), une vieille gare du début du XXème siècle, rénovée il y a peu. Avec ses briques, ses piliers de fer et de rivets, ses panneaux d’indications d’un autre temps et ses centaines d’ampoules à la lumière chaude, elle dégage un charme particulier. Elle n’est qu’une gare secondaire même s’il y a une ligne pour Londres à son départ, mais si vous avez l’occasion de venir à Birmingham en train, tâchez d’y arriver par la gare de Moor Street.

Un quai de Birmingham Moor Street Un quai de Birmingham Moor Street

Les auberges de jeunesse c’est un peu comme les boîtes de chocolats, c’est toujours la surprise du soir. Et là, après avoir erré dans une banlieue sombre sans autres horizons que des parkings, des entrepôts et des garages, déambulé le long de plusieurs rues sans croiser âmes qui vive, et passé sous d’énormes arcades en brique que la nuit tombante ne rend que plus lugubres, je me retrouve bien peu en confiance devant la porte de l’auberge. Et pourtant, en ouvrant la boîte de chocolats tout de suite l’ambiance est différente, chaleureuse, colorée, sûre. Toujours aussi surprenant de trouver ce genre de lieu dans les endroits les plus inaccessibles ou les plus incongrus.

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