J9 : paradis perdu

La Mer Baltique Sur Le Belem
10 juillet 2019

Lieu : au mouillage près de l'ïle de Üto

Depuis quelques heures souffle un vent du nord, là précisément où nous devons aller. Et comme les prévisions n’annoncent pas de changement à venir de ce côté là, il est peu probable que nous ayons à nouveau l’occasion de naviguer à la voile d’ici la fin de notre voyage.

Nous nous approchons de Stockholm et de son archipel d’île qui la protège. Et déjà ici la côte est très découpée, avec de nombreuses îles, îlots et récifs. Nous mouillons le matin au large de l’île de Üto, paradis perdu pour suédois fortunés. Une expédition est mise en place avec “l’intégralité de la flotte du Belem” (2 zodiacs). Gilet de sauvetage autour du cou, plan à la main, nous naviguons à vue entre ces petites îles. Et nous avons la chance de découvrir l’un des endroits les plus paisibles du monde. Rien de moins.

Aucun vent. Aucune houle. Des bras de mer qui contournent des blocs de granit accueillant pour les plus gros une végétation assez dense. Beaucoup d’oiseaux, des cygnes qui n’ont pas peur de l’eau de mer, des oies sauvages et des sternes. Sur les berges des bouleaux, sur les hauteurs des forêts de conifères. Et puis des roseaux dans les anses abritées, à côté des plages de sable fin. On peut apercevoir quelques chalets et autres maisons le long des côtes ou sur des surplombs rocheux, avec des pontons pour accoster. Heureusement ça ne trahi pas l’âme du lieu, et au contraire même cela apporte un peu de chaleur sans nuire à l’apaisement général. On peut imaginer qu’il y a beaucoup de résidences secondaires parmi ces habitations, après tout Stockholm est à moins de cinquante kilomètres à vol d’oiseaux. Quelques autochtones, les pieds en éventail devant leur cabane ou sur leur bateau nous regardent passer devant chez eux comme un troupeau de japonais descendant d’un car place de l’Étoile.

Le soleil nous suit toute la journée, et c’est délicieux d’y goûter allongé sur le spardeck, à somnoler après manger. Je suis comme le chat de Hippolyte Taine qui ne voyait rien de mieux au monde que de s’endormir en boule devant un feu le ventre rempli. C’est le moment choisi par l’équipe de production pour faire une séance mannequinat. Petit short, lunette de soleil, sac de plage, pieds nus, perdu dans la lecture d’un livre avec la belle lumière de la fin d’après-midi, il y a de quoi en tirer de très belles photos et faire rêver les gens. En revanche ce n’est pas vraiment l’ambiance générale que nous avons connue sur cette mer Baltique qui nous a souvent fait regretter de ne pas être plus couvert.

Nouvelle surprise improvisée ce soir, puisque le traditionnel apéro du commandant la veille de l’arrivée aura lieu à terre. Nous reprenons les zodiacs après le dîner pour débarquer sur l’île la plus proche. Nous arrivons alors que le soleil se couche et que la lune le remplace. Le cadre est d’une rare beauté, sauvage mais en même temps tellement paisible. Les rares nuages cotonneux se tintent d’orange et de rouge tandis que nous trinquons à la fraternité des peuples, à l’initiative de nos 3 apprentis marins germanophones. Quelques téméraires s’aventurent dans les bois de cette nature sauvage. De part son isolement, il y a là peut-être des rochers ou des troncs qui n’ont été foulés ou vus que par quelques dizaines d’êtres humains avant nous. Cette nature ne fait grandir qu’une envie en nous, celle de monter et de s’enfoncer plus loin dans les terres. Sans chemin, sans vie apparente, sans bruit, si ce ne sont les lointaines paroles de Brassens lancées en l’air par le reste du groupe resté à boire et à chanter au bord de l’eau.

Nous repartons comme nous sommes venus, en zodiac, avec la lune extrêmement lumineuse du fait de l’absence d’autre source de lumière, qui déplie son tapis d’argent sur l’eau devant nous. Nous rasons les flots pour rejoindre le Belem qui se découpe au loin posé sur cet horizon marin sans fin. Et qui sans échelle, nous paraît tour à tour immense ou ridiculement petit. C’est le bateau qui nous attend, qui nous accueille chaleureusement depuis notre départ voilà 6 jours.

Photos
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